STRUCTURE ET ORGANISATION DE LA COLONNE DE FER

Rapport sur la nouvelle structure de la colonne et du comité de guerre.
Présenté lors de la réunion (19 décembre 1936) des délégués de centuries et qui est publiée pour que celles-ci puissent les étudier.

Compagnons,

Il n’est pas nécessaire de faire de l’histoire pour comprendre qu’aujourd’hui notre Colonne n’est plus, loin de là, ce qu’elle a été. Cette “petite colonne”, surgie de l’enthousiasme spontané, boycottée par les uns et trompée bien des fois par les autres, est devenue en quelques mois, et grâce à une action révolutionnaire et anarchiste continue, une colonne aguerrie, habituée au feu, énergique et dotée d’une personnalité bien définie. Celle-ci, malgré notre absence totale de propagande, s’est fait connaître à Valence et chez les paysans. Elle a pris une importance que l’on pourrait qualifier de nationale et nous a attiré la sympathie des masses chargées de la production qui voient en nous autre chose qu’une colonne provisoire.

Pour quels exordes ? Voici la réalité.
De cette “clique de bandits et d’ex-bagnards” qui, du fait d’une campagne diffamatoire orchestrée par des politiciens et des maquereaux, étaient le ” croque-mitaine ” des pacifiques travailleurs et des comités de l’arrière, il ne reste plus rien. Aujourd’hui, on nous juge à notre juste valeur. Non pour avoir transigé et nous être comportés “comme de bons petits gars”, mais justement pour notre constance dans les idées et notre évaluation de la situation actuelle. Notre sang a coulé. Des dizaines de compagnons sont tombés pour toujours et d’autres sont invalides, mais on nous a enfin reconnus pour ce que nous sommes.

Mais tout n’a pas été que réussite. Il y a un détail, une petite question aujourd’hui qui peut être résolue posément mais qui, si elle n’est pas corrigée, entraînera de sérieux contretemps. A cause de l’inactivité, notre organisation s’est un peu amollie. Des questions sans aucune importance surgissent, de petits détails provoqués le plus souvent par l’ennui et qui à la longue débouchent sur de véritables conflits face auxquels, si l’on veut être énergique, il faudra prendre des décisions totalement anti-anarchistes. Cela ne peut plus durer, compagnons; idéologiquement parlant, ce serait la mort de notre Colonne.
Allons-nous permettre de laisser mourir notre Colonne ? Jamais !
Car, comprenez-le, elle est à nous. Nous l’avons enfantée ; alimentée par notre sang, avec la vie de ceux que nous aimions tant; formée pu nos corps et soutenue par nos fusils contre vents et marées. Cette Colonne qui est aujourd’hui notre grande réalité. Forgée jour après jour, heure pu heure, avec espoir et une foi enthousiaste. Non, compagnons. Cela n’arrivera pas. Nous avons devant nous trop de choses à faire. Et si cela arrive ce sera notre faute, Oui, vous entendez bien: la nôtre. De celle du Comité, pour s’être laissé influencer par l’ennui et s’être écarté de sa stricte obligation; de la vôtre, délégués de centurie, pour ne pas avoir été de fidèles exemples et ne pas avoir maintenu les accords dans vos centuries respectives.

Nous n’allons pas discuter. Le fait est plus que patent. Il nous faut des solutions et nous allons essayer de les apporter. Vous connaissez tous le nombre approximatif d’hommes composant cette Colonne. Celui-ci, joint aux milliers d’ouvriers contrôlés par nos bureaux et le projet d’installer des centres de recrutement dans tous les secteurs de la région, demande formulée par les compagnons paysans, nous laisse supposer que, d’ici peu, nous parviendrons à former une colonne très nombreuse qui nous posera une série de difficultés si nous n’adoptons pas d’emblée une organisation établissant une base solide sur laquelle repose l’avenir.

 

Cette organisation peut se constituer, comme jusqu’à maintenant, à l’aide des centuries, avec la modalité que 10 centuries formeront un corps de 1000 hommes qui pourra s’appeler, par exemple, une division. Cela facilitera grandement la mise en place et la mobilisation des centuries.

Au cas où l’on approuverait cette suggestion, nous organiserions avec les compagnons du front et de La Puebla un certain nombre de divisions. Les 500 compagnons détachés à la Colonne Torre-Benedito, ajoutés à un nombre similaire, en constitueraient une autre. D’autre part, nous pourrions disposer, à Mora et à Sarrion, d’une ou deux divisions supplémentaires en réserve, que nous pourrions utiliser comme relèves des postes avancés. Le reste des compagnons disponibles pourraient former des sous-divisions par secteurs, effectuant leurs travaux habituels tant que leur présence n’est pas nécessaire.

 

Structure des divisions
Durant la campagne, comme jusqu’à aujourd’hui : des délégués de groupe et de centurie, avec des réunions périodiques de ces derniers devant le comité. Les divisions du front, Mora et Sarrion, seront considérées en campagne. En réserve : les unités contrôlées dans les différents secteurs seront tenues en réserve. Celles-ci seront constituées sur la base exacte de 10 centuries, avec les mêmes caractéristiques que celles du front.

Chaque division aura donc 10 délégués de centurie et un de division, dont la mission sera ” purement administrative” tant qu’elle ne montera pas au front. Ces compagnons ne pourront jamais décider de leur propre chef des changements, des réquisitions, etc., sans en référer préalablement au compagnon délégué du comité chargé des liaisons et ils devront se soumettre à l’intérêt général. Dans le cas contraire, ils seront expulsés.

 

La nouvelle structure de la colonne et du comité de guerre :

Mission du délégué de centurie : Celui-ci ne devra pas se limiter à être le porte-parole de sa centurie, il tentera, par tous les moyens, de faire comprendre aux compagnons qui l’ont délégué les accords passés et l’importance de les respecter.
Il sera responsable de tout le matériel remis à. la centurie, tant sur le Plan militaire que sur celui de l’approvisionnement, et à son tour il fera en sorte que le soient les délégués de groupe. Pour le reste, rien n’est changé.

Mission du Comité : En passant d’une colonne relativement réduite à ce que l’on pourrait appeler une petite armée, les besoins font apparaître, au vu du travail énorme, des responsabilités – disons-le clairement – un manque de compagnons intelligents et de confiance pour tous les comités devant être formés. Un comité composé de 6 compagnons est donc constitué, il assumera toute la responsabilité de la Colonne, recueillant les aspirations des délégués et des autres compagnons et les coordonnant. Afin de pouvoir contrôler parfaitement toute la Colonne, ce comité peut se subdiviser en trois parties : l° Quatre délégués pour la zone de guerre. 2° Un délégué de liaison avec les unités de réserve, de secteur, etc. 3° Délégué des bureaux à Valence.

Mission de ces délégués :

1° De guerre : Contrôle absolu et responsabilité totale de tout ce qui concerne le front. Ces compagnons, en accord avec les délégués de centurie, choisiront ceux qui devront prendre en charge les différentes sections qui composaient jusqu’à maintenant le Comité de guerre. Cela impliquera une amélioration complète de cet aspect, car en affectant une section totalement séparée des tâches du comité à un compagnon, il sentira davantage la responsabilité de sa charge comme étant sa seule occupation. En même temps, le comité, aussi restreint, réalisera un contrôle plus efficace sur les différentes sections, qui peuvent continuer à être les mêmes qu’aujourd’hui.
2° De liaison : Ce délégué n’aura pas d’autre mission que de visiter périodiquement les secteurs de recrutement et les différentes zones où opèrent les forces de notre Colonne, communiquant au reste du comité le nombre de rapports et de demandes recueillis qui, à leur tour, seront transmis aux délégués de centurie.
3° De bureaux : Ce compagnon se chargera de tout ce qui concerne les revenus, la propagande, la presse, la présence aux réunions des comités de la CNT et de la FAI, des délégations de guerre, etc. A cet effet, il tentera d’installer un bureau capable de résoudre les carences observées jusqu’à ce jour.

Voilà, en résumé, le projet de réorganisation de notre Colonne. Vous avez maintenant la parole.
Nous désirons seulement vous rappeler une chose : nous sommes désormais une force respectée et crainte par certains et que les meilleurs aiment à l’infini, ne décevons pas ces derniers. Pensez que les ouvriers et paysans révolutionnaires sentent dans notre force la leur et dans nos idées la véritable révolution.
C’est tout.
Pour la présentation, José Pellicer.

 

la Colonne de Fer : Voilà ce que nous sommes

Notre Colonne s’est faite toute seule. Le seul matériel disponible en abondance était l’enthousiasme et la foi dans la victoire contre les vers de terre franquistes. Mais tout n’était que jeunesse et peu lui importait la tourmente déclenchée contre laquelle elle allait lutter sans autres moyens que son cerveau et ses muscles. Et c’est ainsi que nous sommes parvenus à Barracas pour ensuite parcourir des kilomètres et des kilomètres, traversant la terre muette des Aragonais.

Nous avons combattu et vaincu en propageant nos idées et nous avons été écoutés. Nous avons vu grandir le blé doré et avec lui notre masse de combattants. Ils sont venus à notre Colonne de Fer, car ils ont une trempe de fer et de ce métal est et sera faite notre lutte. Nous sommes les rebelles et nous soutenons l’hégémonie de la rébellion.
Nous avons fait la guerre pour la Révolution. A l’avant-garde avec les armes entraînées par les muscles. A l’arrière dans la ville avec les armes de l’esprit.

Certains nous haïssent, d’autres nous adorent. Mais les “autres” sont les ouvriers, qui voient en nous les fidèles gardiens des principes révolutionnaires. La bureaucratie née dans la révolution nous hait, car nous l’avons démasquée et montrée à la lumière des véritables parias. Mais peu nous importent les haines.
Par contre, nous voulons que l’usine, la campagne soient avec nous et avec la révolution.
Nous sommes calomniés et déclarés hérétiques. Mais notre hérésie nous honore, nous rend dignes en nous portant aux sommets de la vérité. Nous sommes la véritable lumière de notre vie, car nous sommes nés pour la libération.
Nous formons l’immense légion qui cherche à trouver la plénitude pour que tous s’aiment. Nous ne donnons guère de salaire, mais la voie de la lumière et de la fraternité.
Brisons le présent pour nous empêcher de revenir sur sa rive corrompue et boueuse. Offrons une terre ferme, où l’on puisse construire la ville des vrais hommes, fondée sur des esprits libres. Jeunesse et fer.
Voilà pourquoi, pour ce que nous sommes, nous vaincrons.

Jaime Serna